Ces centristes qui font tanguer Aubry
Paris, elle ne veut pas entendre parler du MoDem. A Lille, c'est la lune de miel. Retour sur image
Martine
Aubry sait surprendre. Samedi dernier, la nouvelle première secrétaire
du PS reçoit pour la deuxième fois Ségolène Royal et ses principaux
lieutenants. La ligne politique, voilà ce qui importe, explique-t-elle
en substance à ses visiteurs, avant d annoncer l'élaboration d un texte
d'orientation qui condamnera toute alliance du PS avec le MoDem. A ce
moment, Vincent Peillon ne peut pas s'empêcher de lâcher : "Alors il va falloir dénoncer tous les accords locaux
avec le MoDem ? Et toi, que vas-tu faire à Lille ?"
A
l'occasion du récent congrès du PS, Martine Aubry a réussi un exploit
digne des meilleurs dialecticiens : apparaître à Paris comme la
championne de l'ancrage à gauche, alors qu'elle gouverne avec le centre
et... une partie de la droite à Lille et dans la communauté urbaine.
Dans l'exercice de la main tendue au MoDem, Martine Aubry a été plus
loin, localement, que Ségolène Royal, nationalement. Entre les deux
tours de la présidentielle, la candidate socialiste a improvisé un
rapprochement avec un François Bayrou qu'elle classait jusque-là
obstinément à droite. A Lille, Martine Aubry a mûri son alliance avec
le MoDem : "On a commencé à en
discuter quelques mois auparavant", reconnaît Olivier Henno, patron de la fédération MoDem du Nord. "Il n'est pas anormal que des
gens qui partagent des valeurs humanistes puissent se retrouver, je suis
ouverte", déclarait Aubry au "Nouvel Observateur" avant l'élection.
Le soir du premier tour, un allié "naturel" du PS lillois, Eric
Quiquet, le leader local des Verts, conteste l'utilité de cette
alliance au centre : la gauche est largement majoritaire dans la ville.
Aubry lui rétorque que cette alliance est nécessaire au niveau de la
communauté urbaine. Pour la maire sortante de Lille, le vrai challenge
est le gain de la présidence de cette communauté, jusque-là détenue par
Pierre Mauroy. Pour lui succéder, Aubry a peaufiné son dispositif : un
accord avec le MoDem mais aussi avec un collectif d'élus sans étiquette
regroupés sous la bannière "Lille Métropole". Ce collectif compte
aujourd'hui deux premiers vice-présidents, dont Henri Ségard, par
ailleurs membre du groupe UMP au conseil régional du Nord-
Pas-de-Calais.
Tout au long de la campagne interne du PS, Bertrand
Delanoë a expliqué à voix basse que la dérive des socialistes du Nord
était beaucoup plus grave : à l'entendre, il y aurait eu un accord de
désistement réciproque aux élections cantonales de 2008 entre le PS et
le MoDem. En l'occurrence, le maire de Paris forçait le trait. Arrivé
en tête dans le canton de Lille-Ouest, le candidat centriste a eu la
bonne surprise de voir la candidate socialiste se retirer. "Je n'avais rien demandé",
jure aujourd'hui Olivier Henno qui a su à l'époque renvoyer l'ascenseur
: le MoDem a appelé à voter socialiste dans les autres cantons.
Martine
Aubry justifie ces bonnes manières par le fait que le MoDem du Nord est
très antisarkozyste. Ce qui est exact. Elle ajoute qu'elle a commencé
par rassembler la gauche : exact à nouveau, mais Ségolène Royal
prône-t-elle autre chose ? Tant Jacques Richir, adjoint MoDem à la
mairie, qu'Olivier Henno, premier vice-président MoDem à la communauté
urbaine, vantent le sens du travail en équipe et la capacité à trancher
de la maire de Lille. Dans ces conditions, ses philippiques parisiennes
contre le MoDem apparaissent singulières : vérité au-delà de la Deûle
(la rivière lilloise), erreur en deçà ?
Hervé Algalarrondo - Le Nouvel Obs