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Marie-Pierre RAMOS
20 août 2008

Rebonds dans Libération : La crise continue

Ce n’est pas une, deux, mais trois crises que l’économie mondiale affronte depuis un an : le crash immobilier, l’implosion financière et le choc pétrolier. La concomitance de ces trois chocs est une première de l’histoire économique. L’économie américaine est bien sûr la plus touchée. Mais l’Europe ne restera pas indemne malgré les commentaires imprudemment optimistes de Jean-Claude Trichet la semaine dernière : les exportations de la zone euro ont ainsi baissé de 3,4% en mai et la production industrielle de l’Union européenne a connu la plus forte chute mensuelle depuis 16 ans.

Faut-il tenter d’éviter la récession qui frappe les Etats-Unis et qui menace l’Europe ou bien laisser faire ? Certains économistes ont une interprétation quasi-religieuse de la récession, qu’ils saluent comme une sorte de jeûne rédempteur après les excès d’une fête trop arrosée. La récession punit ceux qui n’ont que peu profité du boom plus durement que les responsables qui se sont gavés de bonus ? Qu’importe ! Le marché reconnaîtra les siens. Le système capitaliste est le système économique le plus efficace mais il est aussi intrinsèquement instable, avec une succession de booms et de récessions. Plusieurs travaux empiriques récents montrent que cette instabilité a un coût sur la croissance de long terme. Stabiliser le cycle permet une croissance moyenne plus solide. Au-delà du coût social élevé à court terme, l’inaction serait économiquement dommageable à long terme.

Mais peut-on aujourd’hui stabiliser l’économie en particulier avec une politique monétaire de relance c’est-à-dire une baisse des taux d’intérêt ? Le consensus parmi les économistes a longtemps été qu’une relance monétaire était plus efficace aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette différence expliquait en partie le grand écart entre l’activisme de la réserve fédérale et l’attentisme de la Banque centrale européenne (BCE). Le paradoxe est qu’aujourd’hui, la situation s’est inversée : l’instrument de la politique monétaire est devenu plus puissant en Europe qu’aux Etats-Unis.

Outre-Altlantique, la crise financière que certains croyaient sur le point de se résorber il y a quelques semaines, a rebondi avec la faillite d’une banque californienne et la prise de conscience que les deux géants du refinancement du crédit, Freddie Mac et Fannie Mae, n’étaient pas solvables. Du fait de la suspicion généralisée de défaut, les banques sont obsédées par leur bilan et ont drastiquement réduit leurs prêts. La réserve fédérale a beau baisser les taux d’intérêt, instrument clé de la politique monétaire, l’effet est quasi-nul sur le comportement de banques devenues très frileuses. Longtemps considérée comme la plus efficace des banques centrales, la FED est aujourd’hui quasi impuissante. Qu’en est-il en Europe ? La BCE ne veut pas entendre parler de relance monétaire et préfère l’inaction. Elle a même augmenté les taux d’intérêt (de 4% à 4,25%) ce mois-ci. Son argument est qu’il faut contrer l’inflation. Mais, si la BCE croit que l’inflation est un réel danger à moyen terme, la hausse d’un quart de point est ridiculement faible pour avoir un quelconque impact. En annonçant que cette hausse est la dernière envisagée, la BCE rend encore une fois son action assez illisible. Elle semble aussi craindre les effets de second tour et la spirale prix-salaires des années 70. La hausse d’un quart de point serait alors un signal symbolique pour montrer sa détermination à ceux tentés par cette spirale. Les sondages en Europe montrent bien une hausse de l’inflation anticipée. Cela n’implique cependant pas que les travailleurs pourront obtenir une augmentation de leurs salaires poussant ainsi à la hausse les coûts des entreprises. La faiblesse des syndicats, la libéralisation du marché du travail et la mondialisation sont passées par là. La BCE semble croire que les salariés sont inquiets de l’inflation et vont donc demander une hausse de salaire. La réalité est qu’ils sont inquiets de l’inflation parce qu’ils savent qu’ils ne pourront pas obtenir une hausse de salaire. Les banquiers centraux en Europe ont en grande partie obtenu la libéralisation des marchés du travail et des biens et la fin de l’indexation des salaires sur les prix.

Un des bénéfices de cette libéralisation est qu’une politique de relance monétaire pour contrer une récession a désormais peu de chance d’entraîner une inflation des salaires et des prix. L’instrument de la politique monétaire est donc devenu plus efficace en Europe qu’aux Etats-Unis mais la BCE n’ose toujours pas s’en servir !

Philippe Martin-professeur à l’université Paris-I Panthéon Sorbonne.

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