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Marie-Pierre RAMOS
1 juillet 2008

PS : combats d'ego sur sables mouvants

Ce sont de petits conseils que les socialistes se donnent entre eux, en vue de leur congrès de Reims, du 14 au 16 novembre, d'où ils espèrent sortir avec une identité réformiste claire et... un leader. Dans son livre L'Impasse (Flammarion, 2007), Lionel Jospin suggérait aux postulants à la succession du premier secrétaire, François Hollande, de "se dépouiller un peu de leur ego". En "sage (très) actif", Laurent Fabius a aussi souhaité que le PS "laisse un peu tomber les affaires d'ego et qu'il s'occupe du fond". Paroles d'experts. A Lille, le 19 juin, et après sa rencontre très surjouée et surmédiatisée avec Martine Aubry, Bertrand Delanoë n'a pas hésité à y faire écho : "Le congrès de Reims ne doit pas être le congrès de Bertrand, de Martine, de Ségolène, de François ou de Pierre, c'est le congrès du Parti socialiste."

Alors qu'Olivier Besancenot espère profiter de sa crise pour construire son Nouveau Parti anticapitaliste, le PS se déchire. Au conseil national du 2 juillet, une douzaine de contributions générales - un peu plus que de prétendants officiels, déclarés, virtuels, possibles ou masqués au poste de premier secrétaire - vont fleurir. Elles ont peu de chance de passionner des militants déboussolés et déroutés par la guerre des chefs et de mobiliser des barons fédéraux réfugiés dans l'attentisme. Jean-Christophe Cambadélis, un des lieutenants de Dominique Strauss-Kahn, a comparé ce rituel au haka, cette geste guerrière des All Blacks destinée à impressionner l'adversaire au rugby. Mais les militants seront plus attentifs aux signataires qu'aux textes, sachant que ce sont les motions - déposées au "conseil national de synthèse" du 13 septembre -, celles sur lesquelles ils voteront, qui fixeront les clivages.

Aujourd'hui, le PS est encore le théâtre de combats d'ego - chaque candidat estimant naturellement être le meilleur pour devenir le leader - sur sables mouvants. Les stratégies, les lignes, les candidatures, les alliances, tout est susceptible de bouger. Les trois principaux prétendants - officiel pour Ségolène Royal, encore présumés pour Bertrand Delanoë et Martine Aubry - à la succession de M. Hollande ont trois points communs. Ils ont appartenu tous les trois, depuis 1997, à toutes les majorités qu'a dirigées le député de Corrèze. Il en est de même pour Pierre Moscovici, un autre candidat officiel.

Comme M. Jospin en 1995, quand il a repris la tête du PS, ils sont tous les trois non parlementaires. Mme Royal a abandonné son mandat de députée des Deux-Sèvres après sa défaite à la présidentielle de 2007. M. Delanoë a quitté le Sénat en 2001 après être devenu maire de Paris. Battue en 2002, Mme Aubry ne s'est pas présentée aux législatives de 2007. Enfin, ils ont tous les trois une légitimité, puisée dans les urnes, et un charisme suffisants pour afficher l'ambition de diriger le premier parti d'opposition. Mais, faute d'avoir suscité une véritable dynamique autour d'eux - qui se mesure à l'intérieur du PS plus que par des sondages -, aucun des trois n'a, à ce stade, le profil rassembleur requis par la fonction.

Si cinq camps se profilent confusément, chacun est confronté au défi de sa cohérence. Rejetée ou délaissée par l'appareil d'un parti avec lequel elle n'avait pas su, ou pas pu, être en empathie pendant sa campagne présidentielle, Mme Royal doit trouver les bonnes clefs pour revenir au PS par la porte et éviter de le contourner, comme pendant la primaire de 2006, en passant par la fenêtre. Pour conquérir le PS, il lui faut le réapprivoiser, se réconcilier avec ses us et coutumes. Mme Royal joue plutôt habilement - tentant de profiter d'un "TSS" (tout sauf Ségolène) qu'elle assimile dans son livre Si la gauche veut des idées, publié avec Alain Touraine chez Grasset, à "une sorte de loi salique" -, reprenant sa méthode participative et transformant le réalisme de gauche jospinien en "lucidité radicale". Mais elle devra convaincre, alors qu'elle a gardé ses idées iconoclastes et qu'elle a juste mis en veilleuse son ouverture au centre, de sa capacité à présidentialiser une gauche "qui ne se résigne pas".

MARIAGE D'OXYMORES

En apparence, M. Delanoë a réussi à élargir ses bases au-delà des derniers cercles jospinistes. Son nouveau credo "libéral et socialiste" a dérouté jusque chez ses partisans, mais il a facilité le ralliement de la frange rocardienne des amis de M. Strauss-Kahn. Quitte à ce que sa cohérence en pâtisse. Ainsi, Michel Destot, le maire de Grenoble, qui s'est allié au MoDem dès le premier tour aux municipales, a rejoint celui qui fustige un centre animé par le "seul objectif" d'affaiblir le PS "pour se substituer à nous et incarner l'alternance en 2012". M. Delanoë, avec le soutien de quelques grands maires, a atténué son image "parisianiste" sans la gommer. Il lui reste à réaliser la synthèse entre première et deuxième gauche tout en incarnant la rénovation.

Dépourvue de troupes, même si elle a conforté ses positions dans le Nord, Mme Aubry est obligée de s'entendre avec le groupe des Reconstructeurs, fondé sur un mariage d'oxymores. Une poignée de strauss-kahniens, une majorité de fabiusiens et Arnaud Montebourg... l'attelage est hétéroclite. La maire de Lille affiche son volontarisme pour "restaurer les valeurs historiques du socialisme". Mais la fille de Jacques Delors, qui a toujours professé des convictions européennes, apparaît tributaire des "nonistes" du référendum européen de 2005, dont elle avait dénoncé l'indiscipline, surtout si l'aile gauche de Benoît Hamon rejoint son éventuelle motion. Cela rend très aléatoire une alliance "TSS" avec M. Delanoë.

Ayant renoncé à se représenter une quatrième fois à la tête du PS, M. Hollande semble chercher "son Medvedev", celui qui lui permettrait de garder la main en quittant le pouvoir. Et empêcherait un leader présidentiable de barrer la route à ses ambitions pour 2012. Julien Dray n'a pas les habits du rôle. Avec derrière son panache les deux tiers des strauss-kahniens, M. Moscovici peut-il être l'outsider qui gagne sur le fil ? Pour que le député du Doubs ait une chance de franchir l'obstacle, cela suppose que, selon le voeu de M. Hollande, une même motion rassemble - et neutralise - à la fois Mme Royal et M. Delanoë. L'hypothèse n'est pas la plus probable. Et, dans ce cas, M. Moscovici devrait sans doute laisser la place à un candidat plus consensuel. Le combat d'ego risque donc de se poursuivre. Mais si on ne sort pas des sables mouvants, on s'y enlise !

Publié dans le Monde du 30 juin 2008 - Michel Noblecourt

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