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Marie-Pierre RAMOS
11 septembre 2008

Changement de Culture

Par Patrick BLOCHE, Député PS de Paris, Maire du 11e arrondissement

Effet de levier, performance et rentabilité. Voilà des termes que l’on s’attend à trouver dans le rapport financier d’une entreprise rendant des comptes à ses actionnaires ou bien encore dans la présentation d’un plan de “réduction des coûts”  voire, dans un langage plus feutré, de “rationalisation des structures”. Il est plus curieux, en revanche, de les découvrir dans un document présentant les réformes à venir en matière de politiques publiques ; et plus curieux encore quand les reformes en question portent sur le domaine de la Culture.

Le 11 juin dernier, lors du troisième Conseil de modernisation des politiques publiques ont été actées, dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques, les différentes mesures concernant le Ministère de la Culture et de la Communication. L’objectif annoncé est de “recentrer le Ministère sur ses enjeux prioritaires en rénovant ses modes d’intervention”.

Pour justifier les mesures prises, le gouvernement défend le constat que les politiques culturelles menées depuis 50 ans ont atteint leurs limites. Deux éléments majeurs viennent étayer ce diagnostic. Tout d’abord, les déboires apparemment constatés d’une politique de démocratisation culturelle fondée sur “ la conviction que de l’élargissement de l’offre viendrait également celle des publics ”. Le gouvernement estime, dans un second temps, qu’il existe un “décalage entre les politiques culturelles et les pratiques et les attentes exprimées par les Français”. Un profond bouleversement de l’administration de la Culture s’imposerait donc afin de la faire passer d’une “administration de gestion ” à une “administration stratégique ”.

Sans entrer dans le détail des mesures qui ont été actées, et qui laissent d’ailleurs planer un grand nombre d’interrogations (réorganisation de l’administration centrale, réforme des DRAC, modalités d’intervention et de soutien en faveur du spectacle vivant,…), c’est bien l’esprit qui préside à ce bouleversement qui doit, en tout premier lieu, nous interpeller. Que se cache-t-il en effet derrière une réforme qui entend, dans un style qui conviendrait idéalement à un ouvrage de gestion, procéder à “la rationalisation des fonctions support et transversales (qui) permettra également de redéployer une partie des moyens et des compétences en faveur de l’expertise métier ” ? Quels sont les fondements d’une réforme qui entend “veiller à ce que les interventions soient mieux orientées pour maximiser leur effet de levier sur la création ” ?

Il s’agit de regarder les choses en face. La Réforme Générale des Politiques Publiques marque bien l’effacement d’une politique de la Culture au profit d’une culture politique, celle du résultat, de la rentabilité et de la performance. Entendons-nous bien : il n’y a rien de choquant – au contraire ! – à ce que l’Etat promeuve une gestion rigoureuse de ses ressources. Il ne s’agit bien évidemment pas de plaider pour un gaspillage de l’argent public. Ce n’est pas la question de la bonne gestion – moyen de conduire une politique – mais bien celle de la rentabilité – finalité d’une politique – qui est préoccupante.

Dès à présent, la Culture est sommée d’être rentable. Au Ministère de la Culture et de la Communication est ainsi attribuée une mission inédite : soutenir ce qui marche, c’est-à-dire ce que le marché apprécie, ce que veut le consommateur plutôt que ce que pourrait apprécier le citoyen. Cette nouvelle mission trahit à la fois un renoncement et également un renversement de perspective. Si la Culture est perçue comme un marché, comme la rencontre d’une offre et d’une demande, la démocratisation culturelle, comme l’entend le gouvernement, consiste dès lors à favoriser une offre répondant aux attentes du public. Le citoyen n’est plus celui que l’action de l’Etat pourrait éclairer dans ses choix ; il se rapproche plus d’un consommateur qui exprime des demandes auxquelles l’Etat se contente de répondre, alors que c’est également son rôle de favoriser la découverte, l’émergence, la création.

La Réforme Générale des Politiques Publiques s’accompagne également de la mise en place d’indicateurs de performance. Parmi les plus significatifs l’on trouve : l’évolution de la fréquentation des musées, l’évolution du nombre de fichiers audio et vidéo piratés sur Internet,  la part de marché des films français ou des transactions mondiales du marché de l'art réalisées en France ou encore le volume d'exportation des produits culturels. Ces indicateurs, mis en place dans l’urgence, majoritairement du fait de l’intervention de cabinets de consultants, ne collent pas à la réalité de la mission du Ministère de la Culture et de la Communication. Ils réduisent l'appréciation de la politique culturelle à une simple évaluation de «parts de marchés», à une approche purement quantitative. Et la quantité seule ne suffit pas. Les critères d’évaluation devraient nécessairement – et majoritairement – intégrer des aspects qualitatifs.

Au delà, c’est la question des critères de performance qui doit être posée. Un ministère tel que celui de la Culture peut-il véritablement reposer sur une mesure de la performance ? La Culture n’est-elle pas un domaine se prêtant bien moins que d’autres à une approche de ce type ?

En instituant des critères de rentabilité dans le champ du culturel, l’Etat renonce délibérément à son rôle de mécène. En effet, la Culture n’est plus regardée comme un domaine particulier de l’intervention de l’Etat. Cette mutation constitue de fait une vraie rupture historique et la fin d’un consensus politique, en France, entre la droite et la gauche. Cette fin de l’Etat comme protecteur des arts est une donnée qui va bouleverser la vie culturelle française. Ce changement de culture politique est en effet un changement dans notre Culture.

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