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Marie-Pierre RAMOS
11 août 2008

Rebonds dans Libération : Ces centres culturels qui font rayonner la France

Bernard Faivre d’Arcier ancien directeur du Festival d’Avignon, président des Biennales de Lyon.

Le Festival d’Avignon vient de s’achever. Cette excellente édition a été conçue avec un plasticien italien (Romeo Castellucci), un metteur en scène allemand (Thomas Ostermeier), une comédienne française (Valérie Dréville), une bonne poignée de Flamands sans compter un Letton, un Argentin, des Suisses, un Libano-Québécois et j’en passe. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les Français (metteurs en scène et chorégraphes) soient en reste. Les travaux de tous ces artistes sont vus par des dizaines et des dizaines de professionnels et de critiques venus du monde entier. Et Avignon n’est pas un épiphénomène unique. Quel amateur étranger ne serait-il point enclin à venir en France pour n’avoir que l’embarras du choix entre Aix, Marseille, Arles, Avignon, Orange et Montpellier ? Ces spectateurs - amateurs ou professionnels - sont bien étonnés d’apprendre que la France puisse délaisser son action culturelle à l’étranger, sa position dans l’économie de la connaissance ou la formation des élites étrangères… à en croire les rumeurs nées de la publication du rapport sénatorial d’Adrien Gouteyron consacré à l’action culturelle extérieure de la France.

Ce rapport juge peu convaincants les établissements chargés de promouvoir notre culture hors de nos frontières. Assurément l’action culturelle française à l’extérieur mérite une réforme d’ampleur pour tenir compte de la nouvelle donne des échanges internationaux. Mais prenons garde à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain car les arbitrages budgétaires ont vite fait de supprimer plutôt que de déployer. Dans le milliard d’euros que la France est censée consacrer à l’exportation de sa culture, le fonctionnement des Centres culturels à l’étranger ne compte que pour une centaine de millions - qui sont d’ailleurs multipliés par les Centres eux-mêmes. Les réductions annoncées, s’ajoutant à celles des années précédentes, conduiraient à réduire ou supprimer des pans entiers de l’action culturelle, scientifique, universitaire, de coopération, alors même que nos partenaires européens et des pays émergents (six instituts Confucius viennent d’ouvrir en France) renforcent leur dispositif.

Une telle révision ne peut pas se concevoir sans l’aide et l’avis des professionnels dont la mission et la compétence sont de développer des réseaux d’échanges artistiques. Or l’avis de ces professionnels est peu sollicité par le monde diplomatique ; peut-être parce que les «culturels» sont rangés dans une catégorie secondaire comme si l’action artistique était découplée des enjeux de la mondialisation. Pourtant le culturel doit faire partie de la coopération et du développement (1). Ce fameux réseau des établissements culturels à l’étranger (lycées, instituts, centres culturels, alliances françaises etc.) ne doit pas être isolé de la coopération universitaire, scientifique, technique sous peine de se replier sur lui-même.

L’action culturelle française à l’extérieur ce n’est plus forcément le prof de français expatrié ou l’exposition photos du centre culturel perdu dans une grande agglomération, mais ce peut être un bureau des industries culturelles travaillant avec des producteurs de musique ou du cinéma par exemple ; ou bien encore une programmation "hors les murs" en association avec un grand festival du pays d’accueil ; la mise en place de réseaux d’experts, une politique de repérage des nouveaux talents… Encore faut-il, pour cela, que le ministère des Affaires Étrangères puisse bénéficier de l’autonomie d’action qui serait celle d’une agence publique, comme le fait le British Council en reliant art, culture, économie, développement et surtout en complétant la formation de son personnel culturel à l’étranger au contact des professionnels qui œuvrent dans les domaines non seulement artistiques mais aussi universitaires, technologiques, entrepreneuriaux. Un attaché culturel doit pouvoir être au fait des objectifs du développement durable, des réflexions sur l’urbanisme contemporain, des menaces pesant sur l’éco-diversité culturelle, des enjeux de santé publique ou de l’innovation technologique, autant que des subtilités du marché de l’art ou des capacités à monter une coproduction au contact des artistes.

Non sans pertinence, Adrien Gouteyron note dans son rapport : "Où le spectateur français va-t-il voir des mises en scènes du polonais Krzysztof Warlikowski ? Au centre culturel polonais ? Non. A l’Opéra Garnier." Certes. Mais, avant que Warlikowski ne soit convié à mettre en scène à l’Opéra de Paris, il a fallu 10 ans de travail préalable pour asseoir la réputation de cet artiste, avec le concours de l’Institut Français de Varsovie, d’un réseau européen (Theorem) soutenu par la Commission européenne et cofondé par une vingtaine de théâtres et de festivals en Europe, dont Avignon, d’une saison culturelle polonaise -  organisée précisément par l’Institut culturel polonais et CulturesFrance. Je pourrais évoquer de même l’aventure de Roméo Castellucci… Sa grande "tragédie", qui a précédé sa venue dans la Cour d’honneur, fut le fruit d’une coopération scellée à Rome avec le Festival RomaEuropa, lui-même né de la Villa Medicis avec une bonne dizaine de partenaires européens.

Dès lors que les professionnels français sont en contact étroit avec les centres culturels français à l’étranger qui les informent, qui les renseignent, qui les aident aussi à trouver des financements locaux, il y a valeur ajoutée. En revanche, si le réseau des centres culturels français à l’étranger est isolé du milieu culturel français, il devient amorphe et inutile. Il est donc impératif de mieux recruter et former les personnels expatriés aux priorités nouvelles de la mondialisation, de spécialiser nos établissements culturels et de coopération dans les disciplines où le rayonnement est en jeu et de mieux connaître cette France qui s’exporte : artistes, architectes, chercheurs, étudiants. Cette France dont on loue le dynamisme. Cette France qui ne sait si elle se lève tôt ou tard, car elle est de toute façon en décalage horaire…

(1) Les Journées de la Coopération et du Développement, organisées par la DGCID, auront lieu à la mutualité à Paris, les 25 et 26 août.

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